UNE POÉSIE DU TEMPS SUSPENDU
NOUVEL ALBUM
« Ils disent que dans l'univers, rien ne se crée,
rien ne se perd, tout se transforme. Tout comme nous.
Au cas où nous l'aurions oublié, on nous a maintenant
rappelé que nous sommes des êtres organiques
qui vivent et qui palpitent.
La société s’est soudainement arrêtée. Le bruit des voitures s’est interrompu. Les rues se sont vidées.
Tout est devenu calme. Là où je vis à la campagne,
j’ai entendu les arbres respirer. Le temps est soudain devenu interminable...
C’est pourquoi j’ai voulu faire un album en hommage
à ce temps suspendu, recueil de la nature en paix.
Un album où les vagues frappent les rochers dans
« Alfonsina Y el Mar », où la lune rougeoie sur les champs dans « Harvest Moon » et où la pulsation
de la terre se transforme en tambour dans « Afro Blue ». Et avant que le rideau ne tombe, avant qu’il ne soit
trop tard : « Speak low… when you speak… Love. »
Everything must change, nouvel album de la chanteuse Caroline Mayer, réunit le piano de Ben Rando, la contrebasse de Patrick Ferné, les percussions et la batterie de Cédrick Bec dans un univers jazzy à l’élégance sensible. On se laisse porter par l’instrumentation pailletée d’Harvest Moon et la douceur d’une réconciliation avec une nature délivrée de l’agitation des villes. L’ouverture en descentes chromatiques de Blackbird s’ourle d’une délicatesse acidulée aux pulsations d’un jazz qui renoue avec ses origines dans Afro Blues où la voix se mêle aux percussions nues que rejoint le contrechant de la contrebasse puis les accords du piano avant de larges respirations envoûtantes sur lesquelles la mélodie se déploie, arcboutée sur des notes ostinato. La voix se fait légère, les balais effleurent la batterie, pour l’intimité de I get along without you very well… « of course I do ! ». La reprise d’Alfonsina y el mar est empreinte d’un lyrisme onirique dont l’intériorité semble nourrir Slave to love dans sa plongée sensuelle comme au cœur d’un tableau d’Edward Hopper. Le murmure du chant se fond aux harmoniques instrumentales de Speak low, joue de la fragilité des aigus, reprend son élan dans les graves, puis se glisse dans un temps étiré avec
le ton de la confidence qui pourrait aussi sceller le départ d’un road trip dans It ain’t me babe. Le morceau final qui donne son titre
à l’album se love dans l’inquiétude existentielle de l’instabilité du monde (« nothing stays the same »), la musique reste alors le point d’ancrage, le lieu stable où lumineux, le temps se suspend…
★★★★
MARYVONNE COLOMBANI (Journal Zibeline)
Novembre 2021